Vers l’autonomie urbaine : développer un quartier écoresponsable où tout est à portée de main

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Pour développer de nouveaux quartiers qui répondent aux besoins et aux défis de l’époque, l’autonomie urbaine émerge comme un concept-clé ! Belval et Metzeschmelz embrassent ainsi un urbanisme centré sur le citoyen, où les courses, le travail, l’école et d’autres besoins quotidiens sont facilement accessibles à pied ou à vélo. « Le tout dans un cadre urbain le plus vert et le plus durable possible », explique Zahira Malyani, urbaniste chef de projet chez AGORA.

Comment définiriez-vous le concept d’autonomie urbaine et pourquoi est-il si cher à AGORA dans ses quartiers Belval et Metzeschmelz ?

Zahira Malyani, Urbaniste chef de projet chez AGORA : « L’autonomie urbaine, c’est la capacité d’une ville à s’auto-gérer sans recours à trop de ressources externes et la capacité pour ses habitants de subvenir à leurs propres besoins sur ce même territoire, tant en ce qui concerne l’alimentaire que la santé, l’énergie, les finances, les loisirs, la culture, et bien d’autres besoins. Il s’agit notamment de pouvoir faire tous ses déplacements à pied ou à vélo dans un environnement où tout est à proximité. L’autonomie urbaine ne concerne toutefois pas seulement la présence de commerces ou l’implantation d’institutions publiques sur le territoire ; c’est profondément un enjeu urbanistique. Le tracé des rues, la typologie de bâtiments, l’intégration de transport en commun, par exemple, sont des éléments-clé de l’autonomie urbaine. Elle ne s’accomplit qu’au moyen d’une stratégie de mixité des fonctions et des affectations, ainsi que dans une logique de chemins courts, pensés pour les piétons et les cyclistes. L’idée est de construire une ”ville de courte distance”, ou une ”ville du quart d’heure”, telle que la théorise et la promeut l’urbaniste franco-colombien Carlos Moreno (1). Ce que ça signifie concrètement pour le développement futur de Belval et pour l’implantation du nouveau quartier Metzeschmelz, c’est l’abandon de l’ancienne logique de séparation des fonctions, avec d’un côté un secteur résidentiel, puis de l’autre un quartier purement commercial et plus loin un secteur industriel ou une zone réservée aux écoles et institutions. L’autonomie urbaine exige exactement le contraire : toutes les fonctions doivent cohabiter sur un même périmètre. »

Pouvez-vous illustrer plus concrètement en quoi Metzeschmelz sera un quartier autonome ?

Zahira Malyani : « Le projet de Metzeschmelz est de créer un nouveau quartier où nous pourrons vivre, travailler et se divertir sur la même zone. Il y a un défi supplémentaire : créer un quartier harmonieux et équilibré pour tous même si le territoire touche deux localités, Esch-sur-Alzette et Schifflange, qui n’ont jamais été ainsi unies par un quartier commun aux fonctions mixtes. Certes, Metzeschmelz se composera de plusieurs sous-quartiers qui auront chacun leurs spécificités et leurs personnalités, mais ils seront tous conçus selon le principe de l’autonomie urbaine. Dans certains rares cas, le résident d’un sous-quartier devra peut-être fréquenter le secteur voisin pour combler certains besoins, mais il est prévu qu’il n’ait jamais à franchir une distance nécessitant de prendre sa voiture. Chaque sous-quartier répond ainsi à un grand objectif : bien vivre au quotidien, avec des commerces de proximité, des services, des places publiques, des espaces verts, des écoles. Les écoles seront donc implantées directement au sein de la Metzeschmelz, afin de garantir que les écoliers étudient au cœur même du quartier, une condition cruciale pour le bon fonctionnement des établissements scolaires, ce qui est également lié au nombre et aux types de logements. »

Y-a-t-il de grandes contraintes, des zones de résistance, ou des défis particuliers pour réaliser l’autonomie urbaine à Metzeschmelz ?

Zahira Malyani : « On a la chance de presque tout imaginer et construire de zéro, ce qui nous facilite vraiment la vie ! Mais un quartier autonome ne peut être façonné seulement par des urbanistes travaillant dans leur tour d’ivoire. Pour que cela fonctionne, il faut que les futurs résidents y croient et en adoptent rapidement le mode de vie. Chez AGORA, on met le citoyen au centre du projet dès sa conception, pour s’assurer de répondre aux vrais besoins. Nous savons néanmoins que le défi de réaliser un quartier faible en voiture est colossal et que nous devrons redoubler d’efforts pour faciliter cette transition chez les citoyens. Ils ne se prêteront pas au jeu si le quartier n’a pas assez de pistes cyclables sécuritaires (y compris pour les trottinettes électriques), ou pas assez de larges trottoirs, ou trop peu de limitations de vitesse dans les rues. Notre travail est de faire une bonne programmation urbaine, à partir d’études approfondies qui tiennent compte des besoins actuels et qui anticipent ceux du futur. »

Et comment peut-on améliorer l’urbanisme de Belval, à son stade de développement maintenant avancé, pour y favoriser une meilleure autonomie urbaine ?

Zahira Malyani : « Il est vrai que plusieurs éléments urbanistiques de Belval ne sont pas aisément modifiables. Il y a néanmoins une réflexion à faire et des mesures à mettre en place pour favoriser une vraie mixité dans l’utilisation des rez-de-chaussée, partout sur le site. La programmation urbanistique de Belval évoluera donc surtout en ce qui concerne l’usage des futurs bâtiments, qu’il faut tenter de rendre le plus mixte possible, avec par exemple des commerces au rez-de-chaussée, des bureaux aux premiers étages et finalement des logements aux étages supérieurs. Il faut également de nouvelles solutions de mobilité pour favoriser la proximité et les distances courtes à Belval. On sait, grâce à de nombreuses études, que le citadin moyen renonce à la combinaison de la marche et du transport en commun lorsque la distance à parcourir à pied est de plus de 600 mètres pour rejoindre l’arrêt. Le nouveau plan de mobilité de Belval prévoit donc une distance maximum de 400 mètres entre chaque arrêt de bus ou de tram, répartis équitablement sur le territoire. »

L’autonomie urbaine est aussi pensée pour favoriser un quartier le plus écoresponsable possible et pour intégrer des principes d’économie circulaire ?

Zahira Malyani : « Absolument. Dans un quartier autonome circulent moins de véhicules à moteur, ce qui est déjà un geste environnemental fort. Ces quartiers favorisent aussi en tout temps la réutilisation, le réemploi et les cycles intelligents d’utilisation des ressources naturelles. On peut dire, globalement, que le concept urbain Symbiosis que développe AGORA pour le Quartier Metzeschmelz est tout à fait en phase avec la philosophie de l’autonomie urbaine. La question de l’économie circulaire est aussi très liée à celle de la programmation urbaine dont je vous parlais plus haut. C’est là que tout commence, dès les tous débuts de la conception urbanistique. Celle-ci doit intégrer d’emblée les principes de l’économie circulaire en favorisant par exemple la réutilisation de tout ce qui était présent sur le site auparavant et le respect des éléments originaux du paysage et de la topographie. »

Ainsi, en s’inspirant des concepts d’autonomie urbaine et d’économie circulaire, AGORA participe activement à la transition vers une ville plus durable, qui s’adaptera à un monde changeant. « D’ailleurs, il est impératif que les solutions d’urbanisme que nous inventerons restent flexibles et adaptables, conclut Zahira Malyani. L’autonomie urbaine est un processus long, qui ne s’accomplit réellement qu’au rythme d’expérimentations et de recherches de terrain, ainsi qu’en se mettant au diapason des usages réels du quartier par la population, lesquels évoluent plus ou moins rapidement et sont parfois très imprévisibles. »

La chance : les quartiers développés par AGORA sont particulièrement propices à ce genre d’expérimentations urbaines. Prêts à relever le défi !

1 Lire à ce sujet : MORENO, Carlos. Droit de cité : De la « ville-monde » à la « ville du quart d’heure ». Paris. Éditions L’Observatoire. 2020. 192 pages

Interview de collaborateurs d’Agora, de partenaires et d’experts, avec la série ” Défis urbains ” découvrez les valeurs défendues et mises en oeuvre par AGORA.

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