Imaginez nos quartiers répliqués dans une maquette 3D vivante, ou même en réalité augmentée, regorgeant de données extrêmement précises, et dans laquelle peuvent être réalisées des simulations pour anticiper l’avenir des quartiers Belval et Metzeschmelz en matière d’énergie renouvelable, d’urbanisme ou de mobilité. Trop beau pour être vrai ? Pas du tout, c’est même déjà une réalité ! AGORA s’associe au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) pour développer et utiliser ensemble des jumeaux numériques, désormais points focaux de la stratégie de transformation digitale d’AGORA.
« AGORA a pour voisins depuis 20 ans des instituts de recherche d’envergure internationale, mais c’est la première fois qu’on met en place une collaboration aussi pointue avec notre voisinage universitaire », se réjouit François Dorland, directeur général d’AGORA. La société de développement compte bénéficier des capacités de recherche et des technologies du LIST pour concrétiser sa stratégie de transformation digitale axée sur l’utilisation de jumeaux numériques.
« Cette technologie nous permettra de prévoir le futur de nos quartiers en fonction de plusieurs scénarios qui pourront être articulés, manipulés et testés, poursuit François Dorland. J’oserais même dire que les jumeaux numériques seront désormais à la base de tout notre fonctionnement. Ils sont vraiment la pierre angulaire de toute une façon de travailler et de construire l’urbanisme de demain. »
Assemblage de données que l’on voit sous forme d’une maquette 3D, le jumeau numérique est en perpétuelle mise à jour. Celui de Belval, déjà très complet parce qu’il fait partie d’un projet de jumeau numérique national réalisé par le LIST au fil des dernières années, rassemble entre autres les données exactes et détaillées de tout ce qui a été construit sur le site, et il continue d’être bonifié en permanence. Celui de Metzeschmelz, en construction, intégrera les données issues de tous les plans en cours de conception.
Une petite révolution
AGORA travaillait auparavant avec des maquettes physiques et des plans 2D pour visualiser les projets. Le jumeau numérique rend ces façons de faire caduques. Yves Biwer, directeur administratif d’AGORA et Coordinateur Quartier Metzeschmelz, se réjouit des nouvelles possibilités. « Pour concevoir le nouveau Quartier Metzeschmelz, par exemple, on disposera sur le jumeau numérique de toute la situation existante, c’est-à-dire les bâtiments qui existent, et également de la situation du sous-sol, ce qui va permettre de faciliter la planification des routes, de la voirie, des réseaux. »
Ainsi, le jumeau numérique sera autant utilisé dans un contexte de viabilisation que de conception d’infrastructures, mais également pour planifier l’assainissement. « C’est-à-dire que nous pourrons identifier exactement où il y aura des poches de contamination présentes dans le sol et à quelle profondeur, et nous pourrons modéliser et visualiser le tout, souligne Yves Biwer. Il sera alors possible de développer nos cahiers des charges et nos soumissions de manière beaucoup plus précise que si nous l’avions fait avec des outils 2D. »
L’utilisation du jumeau numérique permet de voir rapidement s’il y a des conflits entre différents sujets et de résoudre les problèmes en conséquence. « La maquette peut être construite avec différents niveaux de détails en fonction des besoins de simulation et de modélisation », ajoute Alexandre Londot, directeur des Opérations chez AGORA.
Comment ça marche, concrètement ?
Pour mieux comprendre, observons le jumeau numérique de Belval. On peut y voir en 3D le quartier dans son état actuel ; on peut naviguer du nord au sud, zoomer sur une place publique ou sur un bâtiment, faire apparaître des données.
Le jumeau numérique de Belval est basé en premier lieu sur des photos de Belval prises du ciel par un drone – le quartier a ainsi été capturé de façon très précise. En plus d’avoir généré en 3D une réplication exacte du quartier, le LIST l’a traduit en réalité virtuelle pour qu’il soit possible d’y mettre des capteurs et marcher dans cette maquette 3D, dans laquelle on peut faire des simulations. Par exemple, d’une simulation du trafic à heure de pointe en fonction de différents facteurs permet de réfléchir aux meilleures façons d’atténuer ce trafic. Il est possible aussi de simuler différents emplacements pour les panneaux solaires, regarder où sont les ombres, etc. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres.
Dans un jumeau numérique, des données issues d’une multitude de sources sont rassemblées dans un même système. « Ça pose un grand défi, celui de l’interopérabilité, explique Lucien Hoffmann, directeur du département Environmental Research and Innovation (ERIN) au LIST. Il faut que ces données puissent communiquer entre elles, dans une modélisation précise. Le jumeau numérique fournit aussi des données précises en temps réel, car il est connecté à des senseurs, par exemple des smart meters mesurant la consommation d’énergie à Belval. »
Un outil de planification urbaine interdisciplinaire
Le jumeau numérique contient tout ce qu’il faut pour travailler en équipe même si les collaborateurs ne sont pas de la même discipline, même s’ils n’ont pas les mêmes cadres de référence, même si leurs perspectives et leurs approches diffèrent. D’ailleurs, chez AGORA tous les membres de l’équipe sans exception trouveront leur compte dans le jumeau numérique. « Il servira autant aux architectes qu’aux urbanistes qu’aux ingénieurs, ou même à l’équipe de la communication, confirme Alexandre Londot. C’est rare de disposer d’un outil qui a toutes ces fonctions, et qui sert à tout le monde. »
Bien davantage que la simple planification préalable aux étapes de conception urbanistique et architecturale, le jumeau numérique permet de faire des simulations qui dessinent le futur du quartier selon différents modèles et différentes hypothèses – pour penser de manière plus durable en s’appuyant sur des données fiables. « On peut faire par exemple, des simulations d’énergie solaire, des simulations avec des modèles de vent, des simulations de déplacement des personnes », explique François Dorland.
Puisque le sujet de la mobilité active est au cœur du développement de Belval, et encore davantage de Metzeschmelz, le LIST a effectué des simulations sur différents modèles de circulation d’une navette autonome, qui devrait voir le jour au mois de septembre cette année.
Grâce à la technologie du jumeau numérique, AGORA peut non seulement reproduire ce projet mais « pourrait aussi faire des simulations de la gestion des infrastructures et des routes, suggère François Dorland. Les possibilités sont infinies, et ça permet des gains importants de temps et de qualité. »
Les scénarios étudiés peuvent donner des résultats d’une grande fiabilité si on utilise des modèles de calcul et de prévision sophistiqués, selon Lucien Hoffmann. « Il est possible de faire tourner plusieurs modèles en parallèle pour voir aussi quelle est la variabilité pour une certaine donnée », ajoute-t-il.
Un outil pour un monde éco-responsable
Le jumeau numérique est l’outil par excellence en cette ère de transition écologique, pour penser le développement urbain de manière durable et circulaire. C’est l’une des applications les plus prometteuses. On peut évaluer rapidement les conséquences de nos projets sur les ressources naturelles. Mobilité, utilisation de l’air, de l’eau, de la terre, de l’énergie : tous ces éléments peuvent être modélisés dans une perspective de simulation d’économie circulaire. Le jumeau est un outil idéal pour initier la conversation à ce sujet, pour simuler, pour avoir une compréhension égale entre tous les partenaires, voire encourager des actions politiques.
L’outil est si puissant qu’il ouvre aussi des perspectives nouvelles pour la recherche. « Il peut nous aider à définir de nouvelles questions scientifiques et les tester, s’enthousiasme Lucien Hoffmann. Autrement dit, l’intelligence de l’outil permet d’aller sur des territoires inédits, des endroits qu’on n’aurait pas imaginés avant d’avoir cet outil. Un important volet aussi, c’est l’utilisation éventuelle de l’intelligence artificielle, pour traiter toutes ces masses de données et en extraire des informations pertinentes. »
Un outil de démocratie et de co-construction
L’utilisation du jumeau numérique dans la stratégie participative d’AGORA permet une co-construction des quartiers avec toutes les parties prenantes : les communes, l’État, le monde des affaires, les citoyens. Avec un tel outil est assurée une meilleure compréhension de la conception et de la construction du quartier par tous.
François Dorland : « Avec le jumeau numérique, on peut présenter aux citoyens des maquettes 3D vivantes, ce qui est bien plus stimulant que des plans ou des images de synthèse. Lors de différents workshops, on pourra explorer avec les citoyens des hypothèses, anticiper des changements, croiser les perspectives, et recueillir leurs avis sur une base ainsi très informée. Il serait même possible d’imaginer un jour de présenter le jumeau numérique de Metzeschmelz sous forme de jeu vidéo ! Tout ça dans l’objectif de réfléchir avec les citoyens-joueurs et nous permettre de faire des choix beaucoup plus éclairés. »
AGORA et le LIST ouvrent la voie vers une approche plus innovante, collaborative et éco-responsable de la construction des quartiers. En route vers un avenir où la transformation numérique révolutionne la manière dont nous concevons et construisons nos quartiers.