L’économie circulaire : indissociable de l’urbanisme contemporain

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Concevoir un nouveau quartier en 2024, c’est nécessairement répondre aux exigences de la transition climatique en réduisant les déchets, en réutilisant au maximum les matériaux ou en favorisant de nombreux cycles d’utilisation des eaux usées et d’autres ressources. Ces exemples d’économie circulaire, et tant d’autres, président à la planification urbaine des quartiers Belval et Metzeschmelz, nous expliquent trois collègues d’AGORA : Alexandre Londot, directeur des opérations ; Yves Biwer, directeur-coordinateur Metzeschmelz et Pierre Karst, ingénieur chef de projet.

Quelle est la vision d’AGORA concernant l’importance de l’économie circulaire dans l’urbanisme, et comment cette vision est-elle mise en pratique dans les opérations quotidiennes ?

Alexandre Londot, directeur des opérations : « On peut dire que l’économie circulaire est devenue un pilier de la vision et de la philosophie d’AGORA, et nous en intégrons les principes dans la plupart de nos aménagements. L’objectif est de réaliser des quartiers sobres et durables en évitant de dépenser inutilement des matériaux pour construire. Les grandes priorités d’action incluent la réutilisation des matériaux, l’utilisation de matériaux recyclables et d’autres aspects comme le traitement des eaux grises, la production d’énergie renouvelable et d’une manière générale la transformation des déchets en ressources. Il est essentiel de considérer tous les matériaux comme des ressources et de remettre en question les anciennes pratiques de construction. Notre meilleur outil pour réussir cette intégration, c’est d’inclure des critères d’économie circulaire dans les cahiers des charges, donc dès les premières étapes de planification d’un aménagement. L’économie circulaire devient un critère de plus en plus important lors de nos appels d’offres. »

Pouvez-vous partager des exemples spécifiques de la manière dont AGORA a réussi à intégrer l’économie circulaire dans le projet Metzeschmelz ?

Yves Biwer, directeur-coordinateur Metzeschmelz : « Dans le cadre de mes fonctions, je dois diriger les efforts de toutes les équipes pour concrétiser l’intégration des principes de manière effective. Le site de Metzeschmelz est pensé de façon quasi entièrement circulaire, notamment par l’entremise du concept Symbiosis, qui en établit les principes à tous les niveaux, de l’approvisionnement énergétique à la récupération d’eau et à la transformation des déchets. Le plan prévoit, entre autres, de récupérer l’eau de pluie pour la réutiliser dans les toilettes, et de transformer les déchets en matériaux pour créer de la biomasse. L’économie circulaire est optimale lorsque tout a été imaginé en réseaux profondément interconnectés et intelligents, et c’est ce que nous préparons à Metzeschmelz. »

Pierre Karst, ingénieur chef de projet : « S’il fallait citer un seul exemple très précis d’économie circulaire mis en place récemment à Belval dans la construction du Central Square, je nommerais notre initiative de réutilisation des argiles légèrement contaminées. Cela nous a permis de les réutiliser au lieu de les considérer comme des déchets. Nous avons soumis 30 000 mètres cubes d’argiles à un traitement à la chaux, ce qui a facilité leur conservation sur le site et évité leur évacuation. En effet, une telle opération aurait nécessité 300 camions effectuant des allers-retours, ce qui aurait été dommageable à l’environnement. Nous avons également pu éviter d’encombrer les décharges du Luxembourg. C’est un exemple parmi d’autres qui illustre bien à quel point l’économie circulaire s’applique vraiment à toutes prises de décisions urbanistiques et logistiques. »

Alexandre Londot : « À Metzeschmelz, on pourrait citer en exemple l’idée d’utiliser d’anciens bétons en les concassant pour la construction des structures de chaussées. Sur un ancien site industriel de ce genre, on hérite d’un passé conséquent et de beaucoup de matériaux qu’il convient de réutiliser au maximum. »

Cela montre aussi que l’économie circulaire repose sur l’utilisation de techniques et de méthodes diverses, voire de technologies innovantes, qui poussent AGORA à rester toujours à la pointe ?

Pierre Karst : « En effet ! On se doit d’être à l’affût des recherches les plus récentes, de mettre en application les techniques les plus poussées. C’est vrai en ce qui concerne la viabilisation des terres comme dans mon exemple précédent, et c’est vrai à toutes les étapes et au sujet de tous les usages anticipés du site. »

Yves Biwer : « Autre exemple : des études sont en cours pour évaluer la faisabilité de l’utilisation de géothermie sur la Metzeschmelz, c’est-à-dire l’utilisation de la chaleur des sous-sols, qui pourrait être transformée en une énergie utilisable pour le site. Les technologies existent à différents stades de développement, et nous n’avons pas toujours besoin de machines sophistiquées pour atteindre nos objectifs d’économie circulaire. Nous travaillons en équilibre avec des technologies à la fine pointe et des techniques plus traditionnelles. À ce stade, on étudie si la géologie est suffisamment favorable pour pouvoir utiliser ces sources thermiques, notamment en géothermie profonde. »

Quels sont certains défis rencontrés lors de l’application des principes de l’économie circulaire dans un projet d’envergure comme Metzeschmelz ?

Alexandre Londot : « Il faut se défaire de nos anciennes façons de concevoir en silo. L’économie circulaire demande une réflexion d’ensemble sur tous les aspects urbanistiques, architecturaux et d’ingénierie. Chaque aspect doit toujours être envisagé en dialogue. »

Pierre Karst : « Il faut se rappeler qu’il y a une échelle qui définit l’ordre dans lequel on doit traiter une ressource. D’abord, on essaie de la réemployer pour le même usage, c’est le réemploi. On essaye sinon de la recycler, puis de la valoriser. En tout dernier recours, si rien de cela n’a été possible, on peut envisager de l’éliminer. Suivre cette échelle n’est pas encore un réflexe très implanté en urbanisme et en construction. Il y a un apprentissage à poursuivre et à valoriser. »

Yves Biwer : « Je dirais aussi que, pour que tout fonctionne au maximum dans le futur quartier lorsqu’il sera habité, la collaboration active des futurs résidents sera primordiale. L’adoption de certains comportements et une participation collective permettront d’utiliser au mieux les ressources mises à disposition. Il est important de sensibiliser les citoyens pour que cette vision devienne réalité. »

Jardins urbains, Smart cities, éco quartiers ou occupation temporaire de l’espace urbain, la série « Tell me more ! » décortique les nouvelles tendances en donnant la parole à des experts.

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