Anticiper le futur de la ville en analysant son présent

Le futur ne se devine pas. Toutefois, en analysant les enjeux, les statistiques, les tendances, l'avenir peut s'anticiper à moindre risque. Vincent Delwiche, directeur général d'AGORA, nous explique comment la société d’aménagement et de développement anticipe dans un projet urbain comme celui de Belval.

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Aménager l’espace urbain : action immédiate ou stratégie de long terme ?

À partir de là, on ne construit pas pour soi, mais pour plusieurs générations. Pour élaborer les quartiers de ville de demain, il faut dès lors travailler sur une vision sociétale, renforçant ainsi la politique globale de développement d’un pays. « Nous avons énormément de chance, précise le directeur général d’AGORA. Les deux actionnaires du projet s’entendent très bien et ont bien compris ce message ». De fait, ArcelorMittal et le gouvernement luxembourgeois ont décidé d’allier leurs forces en faveur de l’emploi, de la qualité de vie, de l’attractivité et de l’environnement. Au sein du projet urbain, deux logiques se rencontrent, avec pour chacune, sa temporalité : le développeur que nous sommes s’inscrit dans une démarche à horizon de 30 ans tandis que nos clients réagissent à 2-3 ans. Les développeurs pensent la ville de demain, toujours projetés quelques dizaines d’années vers l’avenir. « Ici, nous sommes 21 collaborateurs, de 6 nationalités différentes. Nous sommes tous focalisés sur le même objectif : comment développer au mieux un site comme Belval pour les générations à venir ? ».

Vincent Delwiche

“Avant AGORA, j’ai travaillé dans une société où le long terme, c’était 18 mois. Ici, on raisonne à 30 ans”,

Vincent Delwiche

La ville : simple infrastructure ou véritable laboratoire sociétal ?

“Sur ce type de projets, vous entrez dans une démarche d’avenir : vous développez une rue qu’arpenteront vos enfants et vos petits-enfants”, confie le directeur général. “L’esthétique, la qualité de vie et l’humain ont ainsi beaucoup d’importance”, ajoute-t-il. Pour le quartier de Belval, l’équipe d’AGORA s’est concentrée sur les enjeux actuels, aussi bien politiques que sociaux, environnementaux ou culturels.

Vincent Delwiche

La mixité, une valeur cardinale

“Dès le départ, nous voulions avoir un équilibre scrupuleux entre les surfaces de logement, de bureaux et de services”, explique Vincent Delwiche. En ce qui concerne le logement, AGORA a imposé un équilibre entre les studios, les appartements 1 chambre, 2 chambres ou 3 chambres. Des maisons sont également présentes. “Si vous ne proposez que de petits appartements, vous créez un univers de passage, et les gens ne s’investissent pas dans la vie sociale”, souligne-t-il. À Belval, grâce aux typologies de logement variées, le site accueille aussi bien des étudiants, des jeunes actifs, des familles et des retraités. “Nous sommes parvenu à donner au site un caractère multigénérationnel”, se félicite Vincent Delwiche.

La nature dans l’urbain, créatrice de lien social et de bien-être

Le projet est marqué par un parc central, comme un carrefour vert entre tous les quartiers. “Il n’est pas possible d’aller en voiture directement d’un quartier à l’autre en passant par le parc, mais à pied ou à vélo, oui ! Et tous ces déplacements doux se font à travers un parc qui fait tout de même plus de huit hectares”, explique le directeur général. Cet espace de rencontre et d’échange accueille des flux libérés de toute empreinte carbone. Il joue un rôle clé dans la qualité environnementale du site : il permet d’absorber les eaux pluviales, d’augmenter la biodiversité, d’avoir un air plus sain et d’atténuer les îlots de chaleur.

Pour une écologie post-industrielle

“Sur le plan écologique, nous sommes sur une friche industrielle très étanche”, décrypte Vincent Delwiche. En témoigne la source naturelle qui s’écoule sous le site, l’ancienne source Bel-Val exploitée pendant près de 45 ans, de 1891 à 1935.  Sa composition n’a pas varié de celle de l’époque préindustrielle. “Puisque les pollutions ne pénètrent pas le sol, il est possible de stocker la majorité des terres directement sur le site”, reprend-il. “AGORA a développé, avec l’Administration de l’Environnement, des experts internationaux et le gouvernement, un système pour confiner le plateau du Saint-Esprit et le transformer en espace vert. Dans ce concept, les terres impactées par l’exploitation industrielle sont emprisonnées et neutralisées. Avec ce procédé nous avons la garantie que le phénomène de lessivage est évité”, détaille le directeur général.

Vincent Delwiche

Belval : patrimoine figé ou environnement résolument flexible ?

“Tout l’art de décider dans l’incertitude consiste à créer une structure d’aménagement suffisamment souple pour qu’elle puisse s’adapter aux évolutions”,

vincent delwiche

Enquêtes et concertation : l’indispensable voix des usagers

“Nous réalisons des enquêtes au moins tous les deux ans”, témoigne Vincent Delwiche. Elles permettent de mettre en lumière les attentes et les besoins des habitants et des occupants du quartier. “La plupart du temps, nous relayons les demandes et essayons d’implanter des commerces, comme un bureau de poste ou une pharmacie…”, souligne-t-il. “Les utilisateurs ont des besoins et il faut y répondre, sinon c’est simple, ils ne viennent pas “. Le masterplan évolue ainsi au fil des enquêtes mais aussi de la conjoncture et des tendances qui s’affirment : “Au début, le quartier Square Mile prévoyait 25% de logement pour 75% de bureaux. Avec la crise du logement nous avons volontairement fait évoluer le ratio à 50-50”.

Quand les bâtiments s’adaptent à ceux qui les occupent…

La majorité des bâtiments étant modulables, ils peuvent évoluer avec le temps. Tel immeuble peut prévoir sa conversion pour passer d’une fonction logement à celle de commerce ou de bureau et vice-versa. “Cela implique une bonne hauteur sous plafond qui a l’avantage d’être confortable en plus d’être flexible”, explique Vincent Delwiche. “Pour le commerce, on impose des rez-de-chaussée relativement souples, afin d’accueillir aussi bien des petites structures, comme un cordonnier, que de grosses enseignes, car on ne sait pas comment va évoluer le commerce. Il faut dès le départ avoir des bâtiments qui ouvrent ces possibilités”, affirme-t-il.

Réconcilier héritage industriel et ville du futur

“A Belval, on a la chance d’avoir les hauts fourneaux. Ils caractérisent tout de suite le site”, reconnaît Vincent Delwiche. Ces éléments du patrimoine intégrés au tissus urbains culminent à 90 mètres de haut. Ils sont visitables et sont le véritable « Genius loci » du site. Progressivement ils accueillent les composantes du Centre national de la culture industrielle. Ces vestiges remis en valeur sont les emblèmes et définissent l’identité du lieu. “Sur le reste du site, nous avons gardé certains témoins du passé, parce que cela fait partie du processus de création des racines”, détaille-t-il. Tout en bâtissant un nouveau quartier urbain, AGORA honore le passé industriel du site. Les nouveaux habitants connaissent ainsi son histoire, tandis que les anciens ouvriers le voient reprendre vie. “Dans le cadre d’Esch 2022 capitale européenne de la culture, un projet va voir le jour autour de la réalité virtuelle : nous pourrons bientôt circuler sur le site en bus et revivre l’activité industrielle de l’époque”, explique le directeur général.

Vincent Delwiche

Anticiper, se projeter, imaginer… Personne ne peut prédire l’avenir mais les urbanistes optent pour la flexibilité afin de s’adapter aux changements de la société et aux attentes des habitants. “Les gens ne sont bien dans un quartier que s’ils y trouvent des racines. Toute la difficulté est de construire cette appartenance”, conclut Vincent Delwiche. Des racines pour ancrer un projet qui ne cesse d’évoluer dans le temps, avec et pour ses habitants.

Interview de collaborateurs d’Agora, de partenaires et d’experts, avec la série ” Défis urbains ” découvrez les valeurs défendues et mises en oeuvre par AGORA.

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