L’importance et le rôle de l’eau dans l’aménagement urbain de Belval

Construire un nouveau site urbain sur les friches industrielles de Belval a nécessité une importante réorganisation de la gestion de l’eau, laquelle a notamment dû être repensée en fonction de critères de développement durable.

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Beate Heigel - Vanessa Villeneuve

Tour d’horizon avec l’ingénieure Vanessa Villeneuve et les architectes Frank Wallenborn et Beate Heigel.

Construire un nouveau site urbain sur les friches industrielles de Belval a nécessité une importante réorganisation de la gestion de l’eau, laquelle a notamment dû être repensée en fonction de critères de développement durable. De l’intégration des canalisations existantes dans un nouveau concept d’urbanisation jusqu’à la structuration d’un système innovant de rétention de l’eau de pluie et à la gestion des eaux usées, la tâche a été colossale… et très stimulante pour l’équipe d’AGORA. Tour d’horizon avec l’ingénieure Vanessa Villeneuve et les architectes Frank Wallenborn et Beate Heigel.

Quels étaient les principaux défis en matière de gestion de l’eau, aux tous débuts de l’aventure Belval ?

Vanessa Villeneuve : « Au début, c’était un site industriel abandonné, aux allures fantomatiques. Il y avait déjà des canalisations, et, là-dessus, il a fallu mettre un concept d’urbanisation et le développer tout en considérant les réseaux existants. Il y avait aussi le réseau hydrographique, le ruisseau historique le Wenschelbach, qui avait été canalisé pour les besoins de l’exploitation de l’usine. Il a été dévié, en partie réouvert et renaturé : ça a été l’un des grands défis de Belval d’apporter de la valeur à ce ruisseau. De manière générale, notre tâche a été de partir d’une situation hydrologique existante et complexe, pour y greffer un nouvel urbanisme, s’assurer qu’il fonctionne avec le milieu naturel et régler les questions de pollution. Il fallait aussi respecter l’histoire de ce territoire : faire écho au cours d’eau naturel et aux usages de l’eau dans l’ancien contexte industriel. »

Frank Wallenborn : « Au départ le concept de rétention d’eau de pluie de Belval est une exigence de la législation luxembourgeoise à laquelle le site de Belval voulait se conformer dès avant la publication de la loi. Les premières réflexions à ce sujet datent de 2002.

La législation à venir et actuellement en application, exige des capacités de rétentions à l’intérieur de chaque PAP.

Or la transposition de cette exigence au niveau de chacun de la quinzaine de PAP, voués à couvrir le développement de Belval, ne semblait ni réalisable d’un point de vue technique, ni satisfaisant du point de vue de l’intégration paysagère.

Il a été décidé à l’époque d’établir un concept de gestion des eaux de Belval en tenant compte des impératifs de la rétention des eaux, mais aussi de la volonté d’intégrer les capacités de rétention nécessaires dans un concept paysager cohérent, couvrant plusieurs PAP. La solution adoptée a été de centraliser les surfaces de rétention dans des éléments paysagers communs aux PAP’s, à des endroits stratégiques (la Waassertrap), et de créer des capacités supplémentaires dans des ouvrages déjà existants comme les étangs Arbed. C’est ainsi qu’on a réussi à réguler le débit d’eau qui s’écoule dans le ruisseau et à ne pas le surcharger en aval.

À partir de ce concept global, on a essayé de construire un urbanisme commun : non seulement nous avons voulu construire des rétentions, mais aussi les marier avec un bel aménagement paysager. Ce concept est donc né il y a 20 ans, et constituait un projet avant-gardiste à l’époque. A l’heure actuelle il est toujours à considérer comme un projet précurseur en la matière au Grand- Duché. »

En quoi la Waassertrap, ou l’escalier d’eau, est-elle un concept unique et avant-gardiste ?

F.W. : Elle constitue vraiment l’une des grandes spécificités de Belval ! Elle est prévue pour recueillir jusqu’à 6 300 m³ d’eau de pluie grâce à 24 marches de retenue. Chaque marche contribue à ralentir petit à petit et à déverser, de façon contrôlée, l’important volume de précipitations. C’est une rétention centralisée qui recueille les eaux de Belval Nord, de Belval Sud, une partie du Square Mile et du parc Um Belval. À partir de tous ces quartiers, une grande partie de l’eau de pluie transite via des réseaux, autant à ciel ouvert qu’en souterrain, vers la Waassertrap. L’ingénierie est ainsi combinée à un concept paysager unique et très original. Quand il ne pleut pas, les marches sont à la disposition des citadins, elles s’intègrent dans le paysage naturel. Elles font aussi partie de nos mesures compensatoires du plan biotope : elles ont une végétation spécifique et constituent un milieu de vie, avec une belle diversité d’espèces. »

Vanessa Villeneuve

V.V. : « Pour la réalisation des marches, qui agissent comme barrages, on a notamment utilisé du bois. Il fallait rester dans un cadre écologique, travailler une ingénierie précise pour aller dans le sens de valoriser l’eau au maximum, qu’il n’y ait aucun gaspillage. C’est un projet vraiment intéressant, et 100% ancré dans une vision écologique et de développement durable. »

Beate Heigel

La Waassertrap a aussi été imaginée comme un projet esthétique, qui crée de la beauté dans le parc et dans la ville ?

Beate Heigel : « Absolument. Cela a été réalisé, par exemple, en tenant compte du fait que la rétention des eaux de pluie dans le parc ne sera pas une exigence permanente – notre concept laisse ces zones libres pour d’autres utilisations pendant le reste du temps et s’intègre harmonieusement au paysage et aux espaces verts. Les bassins de rétention, comme on en voit souvent près des autoroutes ou des supermarchés, sont créés comme des structures purement fonctionnelles. Comme ils ne sont pas utilisés pendant une partie de l’année, ils restent là comme des trous béants, se présentant comme des structures en béton, entourées de clôtures et peu attrayantes. Il n’y a rien de tel à Belval. À proximité immédiate de la Waassertrap, le parc Belval Sud, également conçu avec un système ouvert de drainage des eaux pluviales, complète le dispositif et s’y rattache.

Quels défis se posaient en matière de gestion des eaux usées ?

V.V : « Les eaux usées du site à reconvertir étaient évacuées par le ruisseau Wenschelbach et subissaient un traitement dans les lagunes de l’ARBED. On a tout de suite eu la volonté de séparer les eaux usées des eaux pluviales pour créer deux systèmes indépendants. Le nouveau système d’eaux usées allait ainsi pouvoir envoyer directement l’eau vers la station d’épuration d’Esch-Schifflange pour subir un traitement efficace. La station de Schifflange était en voie de modernisation à l’époque pour notamment avoir la capacité d’accueillir, entre autres, toutes les eaux usées de Belval en fonction de son développement futur. »

À Belval, l’eau a donc été l’élément central d’un heureux mariage entre l’ingénierie, le paysager, l’écologique, et l’aspect loisir. Une contribution positive de l’eau, dans un développement urbain hors-norme.

Interview de collaborateurs d’Agora, de partenaires et d’experts, avec la série  » Défis urbains  » découvrez les valeurs défendues et mises en oeuvre par AGORA.

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