Des dizaines d’années sont nécessaires à la concrétisation d’un projet urbain de grande envergure. Des années pendant lesquelles le site est en latence, patientant sagement avant son heure de gloire. Une léthargie temporaire qu’il est judicieux de réenchanter, afin de favoriser des occupations, certes provisoires, mais diablement enrichissantes !

La ville épisodique
Prémisses, étude, planification, conception, réalisation… Le projet urbain voit s’enchaîner une succession de phases. Autour de la construction, de nombreux acteurs gravitent, ayant chacun leur rôle à jouer : élus, architectes, urbanistes, promoteurs, etc. De cette organisation résulte un temps long de projet, inhérent à toute démarche cohérente et durable.
Pourquoi créer des usages transitoires ?
Entretenir l’engouement
L’un des principaux objectifs est de ne pas laisser « le vide » s’installer. Pour les habitants, il est synonyme d’oubli et d’abandon. Pour les élus, il évoque l’inaction et pour les investisseurs, il induit un manque à gagner. Tous ces acteurs pourraient alors se décourager et se détourner du site au lieu de l’investir et de s’y projeter. Or, l’énergie des élus, l’engagement des habitants, la créativité des entreprises et la volonté des investisseurs jouent un rôle important dans la construction urbaine.

Rentabiliser et impulser
Les villes étant de plus en plus denses, chaque mètre carré compte. Quel gâchis que de ne pas utiliser, investir et rentabiliser des hectares dans des zones urbaines convoitées. L’occupation temporaire est également un catalyseur de développement, vecteur de projets, de lien social, de culture, de travail, d’initiatives associatives ! C’est aussi un bon moyen de faire connaître un site souvent ignoré du grand public, de le rendre attractif et de communiquer sur son identité, même si elle est encore en cours de construction.
Des villes en perpétuelle évolution
Paris : une charte pour l’occupation temporaire
Les zones urbaines sont en évolution permanente et sont à la source de nombreux projets qui se superposent. Avec l’occupation temporaire, les cités deviennent des laboratoires expérimentaux. À Paris, capitale la plus dense d’Europe, les projets urbains sont légion et la demande d’espaces ouverts est très forte. La ville a largement adopté l’urbanisme transitoire… au point que celui-ci a même fait l’objet d’une charte ! Ce nouvel urbanisme, souple et adaptable, offre une véritable respiration dans une ville où ne demeure que peu de place pour l’expression citoyenne et l’innovation sociale. Certains lieux sont dédiés à l’hébergement d’urgence, d’autres à des pratiques artistiques pionnières. L’entrepreneuriat, les événements festifs et les démarches associatives y trouvent également leur place.
Bruxelles : quand l’éphémère se pérennise…
À Bruxelles, un espace urbain en pause a accueilli une construction de neuf mètres, baptisée la « Tour Limite Limite ». Elle a servi d’espace collectif pour la vie de quartier durant une année, marquant durablement le paysage local et l’identité du quartier. Ainsi, une plateforme de concertation éponyme a vu le jour pour surfer sur l’impulsion et faire vivre le projet après la destruction de l’installation provisoire.

Belval : 20 ans de projet
Dans le cas de Belval, le plus emblématique projet urbain de reconversion d’une friche industrielle au Luxembourg, les premières réflexions ont débuté en 1997 avant de se concrétiser en 2000, avec la création de la société d’aménagement AGORA, qui deviendra la grande cheffe d’orchestre du projet Belval. L’objectif est alors de planifier et de réaliser la réhabilitation de cet ensemble. À partir de là, débute la phase d’étude, suivie de près par la phase de planification. Durant ces premières étapes, rien ne se passe sur le site à proprement parler. Quelques années plus tard, les premières infrastructures font leur apparition et en 2006 le site est ouvert au public. Quelques sont passées jusqu’à l’ouverture du site et chacun sait qu’à partir de 2006 il faudra encore 20 ans pour achever la réalisation complète du projet. 20 années… Un laps de temps normal pour un projet urbain, une éternité pour les citoyens ! Pour éviter cette sensation d’abandon et faire vivre le site, AGORA s’est tournée vers des usages transitoires variés.
Une friche industrielle en transition

Des équipements temporaires
Selon le lieu, la culture et les enjeux, les espaces de transition revêtent des formes différentes. Au sein du quartier Belval, AGORA a mis au point plusieurs structures utiles et fonctionnelles. C’est le cas du parking provisoire Square Mile d’une capacité de 900 places, dédiées aux premiers habitants. Le « Belval Bridge Building », quant à lui, est un bâtiment modulaire pour l’accueil des entreprises en attente de transfert. Autre équipement : « Le jardin de Beate ». Prémisse du grand parc urbain, ce micro espace vert temporaire avait pour dessein de structurer et de donner une cohérence dans le quartier en construction. Enfin, les visiteurs pouvaient se rendre au « Belval Infopoint » pour en savoir plus sur les concepts urbains du projet, à travers des expositions.

Des marquages physiques
En attendant que le quartier se forme et manifeste son identité, des marquages physiques ont investi Belval dès l’ouverture. Panneaux d’information, éléments directionnels, identifications des lieux… AGORA a mandaté Polaris Architects pour la création d’un layout spécifique. Hauts en couleurs, ces différents panneaux accueillaient les visiteurs dans ce jeune quartier. Ils permettaient de trouver son chemin, mais aussi de faire passer des messages optimistes.

Des événements éphémères
Laisser des lieux à disposition des artistes est une forme courante d’occupation urbaine temporaire. Cela permet de créer des espaces spontanés, originaux et audacieux, tout en mettant des artistes en lumière. Durant les temps de latence du projet Belval, l’espace public a été mis à disposition d’artistes locaux, créant des œuvres temporaires. Dans le cadre de l’année européenne de la culture en 2007, Belval a accueilli une exposition phare au sein du bâtiment des Soufflantes : « All we need ». Cette manifestation témoignait des besoins et des ressources humaines, un sujet de choix au cœur de la réhabilitation d’un quartier durable.
Des manifestations locales, nationales et internationales
Les grands espaces ouverts offrent de réelles opportunités en termes d’événements culturels. En 2002, AGORA a organisé un concert d’envergure : « Steelworx », une belle manière de faire découvrir l’identité du quartier en mutation. Les accords de guitare d’Indochine et de Nina Hagen ont résonné aux pieds des cheminées et des hauts fourneaux, devant une foule conquise. Chaque année, grâce à la Rockhal, le site accueille le festival-conférence « Sonic Vision », un laboratoire musical mêlant discussions, ateliers, production et construction de marque pour la nouvelle génération d’artistes. AGORA a également impulsé le projet via deux événements sportifs. Le trail Escher Kulturlaf et les épreuves de VTT AGORA Red Rock Challenge. Ce public de sportifs a alors pu découvrir le patrimoine industriel des lieux et lire son évolution future.

Plus qu’une simple occupation des lieux vacants, l’urbanisme transitoire est une opportunité de vivre et de penser la ville autrement. Il invite ses (futurs) habitants à prendre part au débat urbanistique par le biais de différentes démarches et expressions.


Jardins urbains, Smart cities, éco quartiers ou occupation temporaire de l’espace urbain, la série « Tell me more ! » décortique les nouvelles tendances en donnant la parole à des experts.
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