Concertation : l’intelligence collective au service du vivre-ensemble

La concertation entre porteurs de projet et usagers permet d'utiliser l'intelligence collective pour bâtir un espace urbain qui a du sens. Tel est le credo d'AGORA. Son directeur marketing et développement, Robert Kocian, nous explique comment AGORA s'y est prise sur le site de Belval.

9 Min Read

Associer le public, l’écouter, se remettre mutuellement en question, confronter les points de vue… La concertation, c’est utiliser l’intelligence collective pour favoriser le vivre ensemble et bâtir ainsi un espace urbain qui a du sens pour tous. Tel est l’un des credo de Robert Kocian, directeur marketing et développement d’AGORA. Il nous livre ici les détails de la démarche de concertation du projet Belval.

ROBERT KOCIAN

Mener à bien un nouveau projet urbain : expertise unique ou démarche collective ?

« Le point de départ de Belval nous ramène à une actualité qui a près de 25 ans », rappelle Robert Kocian : « au milieu des années 90 la crise sidérurgique a exigé des modernisations de production, une véritable bascule qui a engendré d’importantes libérations de terrains mais aussi des baisses d’effectifs ». À l’orée du XXIe siècle, les enjeux de la reconversion du site étaient tout à la fois politiques, sociaux et économiques. Échanger et réfléchir collectivement n’était pas une option, mais une nécessité.

Une « tripartite sidérurgique » pour faire consensus

Au stade embryonnaire du projet, les acteurs industriels, syndicaux et politiques se sont réunis autour d’une table, formant la « tripartite sidérurgique ». « C’est le principe de recherche du consensus au Luxembourg », précise Robert Kocian. Un modèle ayant pour objectif de trouver des solutions collectivement construites. En l’occurrence il s’agissait de dégager des pistes nouvelles pour le maintien de la croissance économique et le plein emploi. « Discussion, négociation… Le Luxembourg est un pays culturellement partisan de solutions émanant de la concertation », souligne le directeur marketing et développement. Ainsi, pendant une longue période, les différents acteurs se sont régulièrement réunis pour faire entendre leur voix et avancer leurs propositions, main dans la main.

ROBERT KOCIAN

Contexte économique et social inédit

« Nous nous sommes posés deux questions : que faire de ce territoire, et quelle dynamique économique spécifique lui attribuer ? », énonce Robert Kocian. « La nécessaire reconversion du site, les flux de travailleurs frontaliers, la crise sociale liée aux licenciements, la hausse globale de la demande de services et de logements au Luxembourg… : ce contexte inédit, porté par une croissance nationale proche des 7%, constituait autant de contraintes que d’opportunités. »

L’art de la concertation : discuter en haut lieu ou associer le terrain et les citoyens ?

Pour mener à bien sa concertation publique, AGORA a décidé de multiplier les discussions, en veillant à y associer l’ensemble des acteurs du projet Belval, qu’ils soient institutionnels, privés ou citoyens.

Partenaires publics et privés à l’œuvre

Une première strate de discussion a été portée par une structure spécifique : le GIE-Ersid (groupement d’intérêt économique pour la reconversion des sites industriels). Ce groupement réunissait l’Etat luxembourgeois et ArcelorMittal. Un premier round de concertation qui a duré trois ans, alimenté par de nombreuses études de faisabilité : analyse des sols, études environnementales, capacité du territoire à produire du logement, attractivité pour les entreprises, etc.

ROBERT KOCIAN – jean-xavier foidart

Belval sur la scène nationale

Puis vint le temps du débat national. « Une deuxième strate de concertation a été lancée à l’échelle nationale, afin de changer de perspective et élargir la participation », se souvient le responsable marketing et développement d’AGORA. En parallèle, les médias sont informés du projet. Ils invités à en relayer les enjeux auprès du grand public. Faire connaître largement et publiquement le projet Belval, c’était déjà le faire exister.

L’heure citoyenne

Ne restait plus qu’à associer plus directement la population. « Nous avons organisé de nombreuses conférences et expositions. Tous les masterplans du projet y étaient exposés afin que la population puisse en prendre connaissance sans filtre », raconte Robert Kocian. Nous sommes alors au début des années 2000, et les moyens de communication ne sont pas tout à fait ceux d’aujourd’hui… « Nous n’avions pas de réseaux sociaux, ni Facebook, ni Twitter, quant à Internet, l’outil en était à ses premiers balbutiements… Nous avons dû faire avec les moyens du moment ! », se souvient, sourire amusé, Robert Kocian.

Dans cette situation, AGORA a choisi d’exposer les contours du projet in situ, pour mieux raconter aux gens l’histoire riche de ce site industriel, mais aussi pour connecter de manière concrète le passé et le futur de Belval. « Le site était devenu comme une cité interdite. Personne n’y était entré depuis des années, sauf les salariés de l’usine », souligne Robert Kocian. Certains visiteurs purent ainsi découvrir pour la première fois où travaillaient jadis leur père, leur mari ou leur frère. « Nous avons été très surpris par l’attachement au site, mais aussi par l’élan d’adhésion au projet », se remémore Robert Kocian.

Concerter : « one shot » ou stratégie suivie ?

« A Belval, nous avons sondé les habitants et les salariés et, depuis peu, les entreprises. Maintenant que nous sommes à 18 ans de vie sur le site le retour des acteurs économiques clés est important », note le directeur marketing et développement. Car pour AGORA, la concertation, ce n’est pas une petite discussion et puis basta… Pour être pertinente, elle doit se prolonger dans le temps, avec les différentes catégories de population. Avant, pendant, et après, elle ne cesse d’enrichir la perception du projet.

Faire évoluer la concertation avec son époque

Près d’une vingtaine d’années après la naissance de Belval, AGORA aborde la concertation différemment. Robert Kocian travaille actuellement sur un nouveau grand projet d’AGORA : l’ancien territoires de l’aciérie d’Esch-Schifflange, pour lequel des techniques innovantes de concertation ont vu le jour. « Nous avons mis en place un atelier d’urbanisme pour montrer à la population vers où nous voulions aller, et associer les futurs usagers à la réflexion », témoigne-t-il. « Nous avons lancé un concours international inédit. Quatre équipes sont venues sur place, pour dessiner, le temps d’une semaine, leur vision du projet. Toutes étaient réunies dans une grande tente transparente. La population pouvait assister en direct au développement de leurs travaux et les commenter. Une autre salle était réservée aux citoyens, dotée cette fois d’un mur vierge sur lequel chacun pouvait s’exprimer sur ses attentes pour le site », raconte le directeur marketing et développement. Une manière innovante d’intégrer la population dès le début du projet.

Cadrer et évaluer les contributions

« Je considère la concertation comme une vraie richesse. Elle fait appel à l’intelligence collective », déclare Robert Kocian. « Notre travail c’est d’écouter, d’analyser, d’inclure, de hiérarchiser. Certaines suggestions ne seront pas retenues, et bien sûr nous expliquerons « .

« La consultation donne une occasion unique d’associer le public à un projet dont, in fine, il sera le bénéficiaire », rappelle Robert Kocian. Les méthodes évoluent mais le principe reste le même au pays du consensus : se réunir, dialoguer et trouver des solutions pour construire, ensemble, des lieux de vie agréable.

Interview de collaborateurs d’Agora, de partenaires et d’experts, avec la série  » Défis urbains  » découvrez les valeurs défendues et mises en oeuvre par AGORA.

Retrouvez tous les articles de cette série en cliquant sur le tag ci-dessous.

Share This Article